27 juillet 2015

Brut de collage #2

À la manière de Linder ou Dorothy Peach.

Brut de collage #1

La tour Biret


À deux pas de la maison des Pervenches, se trouve aujourd'hui un pauvre restaurant, de ceux pour lesquels il faudrait nous payer (et fort cher) pour y rentrer.
Plat du jour neuf euros cinquante, menu onze : tout est dit ! 
Nous sommes à Fontenay-aux-Roses, là où "je calme mes nerfs" (J-K Huysmans) depuis le dix du mois de juillet. Ce restaurant LE BIRET attire immédiatement l'attention. C'est une grande tour, presque une cheminée surplombée d'un belvédère. À première vue elle fait penser à un Château d'Eau doté plate forme octogonale crénelée. 
D'un naturel curieux et passionné par l'histoire des lieux, je tape sur Internet "TOUR BIRET". De jolies cartes postales 1900 jaillissent sur mon écran et je découvre une tour superbe, de nombreux promeneurs autour. Mais que c'est il passé bon sens pour qu'un lieu magnifique se transforme un restau-route désert. 
Mon entretien avec David Descatoire (directeur des archives de Fontenay) à été déterminante. De lui je tiens désormais que cette tour a été construite pour l'exposition universelle de 1900, qu'un certain Monsieur Biret s'en est alors entiché. Il la fit démonter, transporter depuis Paris pour la transformer en guinguette. Hélas au fil du temps ce lieu bien fréquenté est tombé en rade. Tout de bois construitent la guinguette et la tour se sont vite décaties, seul le bâti sans âme est resté. 
Les cartes postales de la Belle Époque sont de véritables publicités ; on vante le panorama extraordinaire et la montée au sommet de la tour qui offre(irait) un panorama exceptionnel sur Paris d'un côté et la mer de l'autre ! 

Ah ! Fontenay et ses mystères ! Je quitte avant Huysmans cette jolie commune, j'ignore quel souvenir il a gardé de son séjour au 3 rue des écoles, mais moi je sens déjà que j'en conserverai un souvenir heureux, paisible et ému, ce que je considère comme ma plus grande chance : je ne suis abîmée de rien : J'AI GARDÉ MA TOUTE MA MÉLANCOLIE !

NB : il est amusant cliquer sur l'image pour lire le texte très vendeur !

24 juillet 2015

1881 vs 2015

15 juillet 1881 contre 10 juillet 2015.
Joris-Karl Huysmans contre Emmanuelle Reineri-Boulay. 
HUYSMANS ! BON SANG HUYMANS ! L'homme qui a tout changé (bon y avait eu Sartre, Camus et Freud un peu avant !) de mon rapport à la littérature (et c'est d'Ormesson qui est à La Pléiade hein ?) et à la peinture. 
L'homme rejeté de tous, naturalistes avec Zola en tête (qu'il se les garde ses soirées de Médan, j'ai pas dis mes deux !). LE Michel Houellebecq d'hier (comparaison rieuse), celui qui a cherché dans la religion une solution à ses compulsions érotiques, près un génie : UN MALADE MENTAL !

134 ans me séparaient de l'écrivain qui s'isolait donc en 1881 à Fontenay-aux-Roses afin de soigner ses nerfs (expression si désuète, une jolie litote). 
J'ai refais aujourd'hui le parcours, et pris connaissance des lieux qui ont marqués l'auteur ici à Fontenay et qui l'on grandement influencé lors de la création de son Chef d'œuvre À rebours. J'ai longuement discuté avec l'archiviste de la ville avec qui j'ai réellement pu échanger, il en savait long sur le sujet, un vrai passionné et nous avons partagé un bon moment, ensemble à se revivre le passé. Près de son bureau demeurait même une tomette (!) de la maison provinciale où vivait Huysmans, excavée en 1955 lors de la construction de l'immeuble minable qui se situe aujourd'hui là où séjourna Huysmans. Ces tomettes ! À plusieurs reprises évoquées dans À rebours, carrées ou rondes selon les pièces de la propriété de Jean des Esseintes. 
Internet, mais surtout l'article fascinant de Germaine Mailhé, publié dans le Bulletin de la société Huysmans en 1965, m'ont permis de conclure à regret (et non à rebours !) que la demeure de des Esseintes n'est que pure fiction ! D'après Germaine Mailhé c'est surtout le 3 de la rue Jean Jaurès (rue des écoles en 1881), lieu de résidence de l'auteur qui servi de patron au roman. Le parc notamment, devenu presque forêt vierge comme dans le texte, les ferronneries et surtout la perspective, le panorama au delà des cimes. Seuls les détails topographiques viennent brouiller les pistes : des Esseintes habite le coteau et non le village (peuplé alors de deux mille personnes). Une métaphore géographique sublime pour qualifier l'homme qui se place au dessus de l'humanité et entend vivre dans l'isolement total !
Huysmans quitte probablement Fontenay le 26 septembre 1881... Voilà une coïncidence qu'il ne me plairait guère de partager même si moi aussi je suis sur le coteau !

23 juillet 2015

La p'tite robe corail

Hier matin, à l'heure du petit déjeuner j'aperçois Marie-Françoise : "Coucou ! Bien dormi ?". Marie-Françoise est une mamie avec tout l'attirail de la mamie : la gueule, les fringues, TOUT.
Moi, je porte ma robe Monoprix 2014 ; suis le commentaire suivant : "ta robe ressemble à un bonbon." Moi, interloquée : "un bonbon ?", puis je pouffe affectueusement à son nez... Puis elle rajoute "mais oui, à un bonbon Ricola" comme une évidence ! Depuis je me figure des bonbons Ricola dans tous les sens, de toutes formes et couleurs mais je ne comprends toujours pas le rapport avec ma robe.
Ces petits échanges sont géniaux ; ils te rappellent, de un que tu es dans une clinique psychiatrique et que de deux toi, tu es carrément normal !

22 juillet 2015

Frapper fort #4

Le premier jour de l'an tout le monde se souhaite la Bonne Année et aussi vite la Bonne Santé.
Élémentaire mon cher Watson !
Sans la santé RIEN d'envisageable pas même, à l'extrême la possibilité de mettre un pied devant l'autre.
J'ai perdu la mienne -de santé, à peu de reprises en plus de trente années d'existence, mais cet été là, j'ai mis toutes les chances (malchances) de mon côté pour perdre pied aux deux sens du terme. J'ai alors réalisé que lorsque l'on ne tiens plus debout, que ses petites pattes lâchent on tombe fort et que ça fait mal, très mal. Je me suis sentie perdue chute apres chute dans le cabinet de toilette de l'hôpital et me suis fendue comme une pastèque bien mûre qui tombe. Quelques points de suture ont réglé l'affaire et les hématomes ont bien vite disparus.
J'ai partagé avec Julien une réflexion existentielle : tomber (et je rajoute si bas) ça laisse des traces ; ça fait un peu comme si on était tout en bas d'un graphique fait d'oscillations qu'il fallait espérer plutôt douces.
Une cicatrice a dit Julien fait prise de conscience. Lui même, il y a quelques années disons en 2007 a chancelé de tout son poids. Son corps était à bout. À bout de quoi peu importe, mais cela donne raison au proverbe chinois : on se relève toujours plus fort quoique légèrement balafré.
Depuis trois semaines maintenant je porte moi aussi une nouvelle cicatrice, toute proche d'ailleurs de celle de Julien, presque au même endroit. Je sais qu'elle est porteuse de sens et de changement. Elle me rappellera à jamais l'ambulance, l'hôpital puis le long passage à la clinique où je demeure encore.
Moi qui ne croit en rien je veux croire aux signes.
MERCI Julien. MERCIS, tant de MERCIS.

Lecture du mois de juillet

J'avais étudié un court extrait de ce livre en 5ème ou 4ème ; ça m'a beaucoup marqué. je l'ai retrouvé dans la bibliothèque de la villa de Fontenay-aux Roses. Un délice.
Un style admirable et une narration qui va de soit. Je ne lâche plus le livre depuis sa redécouverte. cela retrace les années Tati et décris une sorte de Tativille : l'usine, le prolétariat, le tout sûr fond de guerre d'Algérie. Compulsive notoire, je vais donc sérieusement me pencher sur le cas Claire Etcherelli. Il va falloir aussi que je visionne le film ou Marie-Josée Nat incarne la fameuse Elise... dur dur à trouver je suppose mais dans une médiathèque ici ou là je finirai bien par y parvenir.
Bonne lecture à vous aussi si vous me suivez !
J'enchaîne sur Aimez-vous Brahms, un tout autre style, mais bon, moi je lis du Sagan pour cette incroyable et fascinante Françoise Sagan.

20 juillet 2015

Air mail

J'aime écrire même pour rien ; c'est plaisant de voir se dérouler les lettres, s'imprimer l'encre. Ce que j'aime par dessus tout c'est que mon écriture s'enfonce fort dans le papier et laisse quand on caresse le texte comme un message codé en braille. Le mieux c'est lorsqu'on le fait sur la page à revers. Je raffole de cette sensation simple, pure et gratuite. Quand je passe ma main sur le verso je retire une grande satisfaction, une légère jouissance, une douceur inversement proportionnelle aux propos souvent sombres et rugueux que j'emploie.
À ce titre j'ai toujours adoré ce vieux papier-avion (qui ne doit plus guère exister depuis l'email), qui était si fin, presque transparent et sur lequel on ressentait davantage encore les tracés de la bille meurtrissant la feuille.
Mon blog est le prolongement de toute cela, mais le stylo et le Moleskine restent ; c'est souvent avec eux que je prépare mes brouillons, à l'ancienne.

16 juillet 2015

Maudit sois-tu carilloneur



Elle était originale cette demeure. Sise en la paisible commune de Fontenay-aux-roses elle avait appartenu jadis à un riche industriel ayant fait fortune malgré la crise dans la métallurgie. On devait se situer au milieu des années trente.
Il y avait cette toiture digne d'une chaumière de sorcier ; ses petits chiens assis, sa loggia triangulaire du deuxième. Le tout ressemblait à l’œuvre d'un architecte libre de toute créativité sans déroger aux goûts de l'époque.
Un damier de briques rouges et blanches décorait harmonieusement la façade du premier étage ; presque de plain pied se tenait la terrasse, vaste et carrelée de cassons noirs et terre de Sienne. Devant, s'étendait le parc agréablement végété d'if alignés, de cèdres et de chênes. Seule une vilaine plaque d'égout dénaturait les confins de ce parfait jardin. Une gloriette abandonnée rappelait celle des amoureux de Peynet, en plus sombre et envahie par les lianes. Six cheminées de briques travaillées élançait la bâtisse qui prenait ainsi des airs de petit château francilien.
L'intérieur non moins modeste avait conservé l'esprit "trente" avec sa rotonde, ses vitraux martelés sa fontaine à trois bassins et ses ferronneries Art Déco.
Il était facile d'imaginer dans cet environnement une vie heureuse et douce, une famille vivant heureusement et de nombreux enfants.
L'histoire de la maison de la rue des moulins restait opaque. Rien n'avait perlé, ni dans les livres, et rien n'était arrivé jusqu'à Internet. Dans les années 50 le logis s'était transformé en clinique psychiatrique voilà tout. Les "fous" avaient aussi droit à un peu de beauté (qu'ils ne considéraient pas toujours).
Je faisais partie des locataires. A l'inverse de beaucoup je frétillais à l'idée de laisser glisser ma main sur la rambarde en fer forgé de l'escalier Art Déco. L'eau ne coulait plus dans la petite fontaine en granito mais il était déjà réjouissant de la sentir ici.
Cet été là était très chaud. Les météorologues annonçaient la canicule et les thermomètres montaient dès la mi journée jusqu'à trente sept degrés Celsius. Un temps à rendre fou.
La pelouse avait déjà brulé depuis longtemps, les stores restaient baissés. Nous restions confinés dans cet espèce de familistère, libres et surveillés à la fois : un comprimé le matin, un autre le midi et les doses finales entre dix-sept heures et vingt et une heure le soir.
"Bonjour Irène". ; "bonjour, tu vas bien ? bien dormi ? allez, bon appétit !".
Il y avait aussi les choses moins plaisantes comme "Monsieur chambre deux cent deux", vieillard famélique planté vingt quatre heures sur vingt quatre devant le poste de soins sans en attendre rien, la couche pleine.
Il y avait Bruno et son physique "Denis Lavant", c'était lui le matin qui lapait son café tandis que tous nous baissions les yeux. Il fumait la pipe ; moment de répit. La bouche pleine les paroles inaudibles et dégueulées n' en sortaient plus. Pauvre diable.
Tous semblaient à l'abri d'un coup de folie. Les médecins veillaient dur. Le jour du quatorze juillet nous avons tous bénéficié d'un spectacle sublime. Nous sommes tous redevenus (ou restés) des enfants devant ces feux follets.
Martha, sourde et muette applaudissait, émerveillée ; Bruno dansait en volutes barbare et moi je pensais à mon fils mort deux ans plus tôt.  Est-ce qu'il les voyait lui aussi les lumières ? Ce soir là je l'ai cru et j'ai pleuré.
Le temps passait et j'oubliais son petit visage. Celui figé sur les photographies n'inspirait pas la vie et sa voix ne disait plus "Maman ? j'ai un secret à te dire, mais à l'oreille". Il fallait renoncer aux pourquoi et à chercher des explications. Cold facts comme disent les anglais. On devait s'y tenir.
La fenêtre de ma chambre donnait sur le parc. C'est là que les familles se rencontraient. Souvent des petits enfants venaient saluer leurs aïeux dans un regain de devoir moral les parents les y emmenaient. Un petit garçon était venu avec sa trottinette ils roulait gaiement dans les allées. "Maman ? Maman?" qu'il disait je m'en souviens et à chaque fois je me levais d'un bon de mon lit persuadée qu'il s'agissait du mien, de mon petit. Je collais l’œil à la vitre et passait mon oreille au travers de la minuscule embrasure. Dix centimètres : impossible de se défenestrer.
Le quinze au matin rien n'avait changé du climat. À huit heures trente nous avons pris notre petit déjeuner en salle commune comme à l'habitude. "Tout le monde a été servi ?" qu'elle demandait l'aide soignante. Oui.
Pourtant il était manifeste que deux personnes manquaient à l'appel : Irène, soixante quinze ans, mémée type tout à l'ancienne et Sébastien, trentenaire à l’œil hagard dont la manie était se s'habiller alternativement en costume ou en tenue de sport tout au long de la journée. Après un long quart d'heure Annabella qui gérait la salle à manger faisait le constat des absents. Toute la clinique, employés comme malades se mirent en quête des deux déserteurs. Chambres vides. Parc désert.
Puis à dix-huit heures le gros Lulu remarqua que la plaque d'égout avait été manipulée, qu'elle n'était plus tout à fait à sa place.
Un appel général fut lancé, le gros Lulu muni d'une lourde gaffe réussi à relever le cercle de fonte sécurisant le regard du conduit. À la stupéfaction de tous le corps nu d'Irène avait été jeté comme un sac au fond du puit. Sa peau tuméfiée se mêlait de terre crasse. Plusieurs patients s'effondrairent plein de miséricorde. D'autres ballottait leurs mains en signe de croix et moi lâchement je quittais la scène dans l'unique soucis de protéger mon cerveau déjà entamé.
La police et les pompiers débarquèrent dans de brefs délais et mirent en place les "protocoles" ; leur routine à eux.
Ce n'est que bien plus tard encore de Sébastien fut découvert pendu sous la gloriette. Il portait son beau costume noir et les souliers vernis qui claquait le travertin. Un jour de permission il lui avait été facile de trouver la corde puis de la cacher aux infirmiers.
Sébastien et ses allures de grand gosse. Son geste n'était pas honorable mais il avait sans doute jugé qu'en massacrant la vieille il réunissait un coup, qu'il deviendrait Lui, existerait enfin quitte à être assassin. Il tenait la clé enfin, celle qui le libérait de cette clinique carcérale. On ne lui donnait pas le droit d'en sortir alors il se révoltait de tout faisait glisser la corde, vérifiait le noeud. L'échalas valsait encore quand on le trouva. Ses va et vient faisant tinter la clochette d'une gloriette qui bientôt allait être détruite.

15 juillet 2015

Raiponce à Andersen


Andersen est sympa avec ses nymphettes blondes aux cheveux impeccables mais même entre les mains d'une coiffeuse Carita les femmes ont franchement du mal à trouver leur "prince charmant".
Suffit de se connecter sur la toile pour voir à quel point elles et Eux, les hommes se donnent du mal pour se rencontrer, convoler, se renifler, se fusionner.
ADOPTE UN MEC point com.
Diable de sort !

14 juillet 2015

Rien ne bouge


Marco regardait le visage de Lucille. Elle et lui des illégitimes ces gens qui s'embrassent sur les bancs dans les parcs, dans la rue sur les trottoirs ; ces couples qui ont la cinquantaine, l'âge où on ne s'empoigne plus à pleine bouche aux yeux de tous.
Illégaux. Amants. Adultères.
Derrière ces mots assez passables il y avait néanmoins des sentiments, peut-être même de l'amour.

Marco était de ces hommes forts et puissants, intrigant fonctionnaire. Haut fonctionnaire. De ceux la même qu'on nomme les huiles.
Naturellement impeccable sous tout rapport, somptuaire et moral ; facile en discution.
Fabriqué à l'école des fonctionnaires, n'en reniant rien ; faisant juste quelques critiques utiles, disons celles convenues par tous. Utiles pour se rendre sociable. Marco travaillait pour le ministère de l'Éducation Nationale, une place dans un beau cabinet. Bon élève il était monté comme on dit banalement dans l'ascenseur social et ne c'était pas trompé d'étage. Il en vénérait de fait le système et s'adonnait tout entier à son métier.

Catherine.
Catherine était son épouse au sens officiel de la chose car une épouse doit devenir une mère ; suffisait d'en référer au livret de famille. Catherine servait elle aussi mais à un échelon bien inférieur l'Education Nationale. Elle occupait un poste dans un lycée professionnel. Elle enseignait les lettres et l'histoire-géographie. Marco et elle partageait la même passion surtout pour la géo.
Catherine était génétiquement privée de l'aisance de son mari : Marco parlait, Catherine répétait, approuvait avec certitude.
La vie allait ainsi.

L'un et l'autre étaient littéralement dénués de sex appeal. Lui, grand mais dégarni, laissant filtrer son stress à coup de petites plaintes stridentes à peine retenues. Et puis il y avait cet index qu'il triturait par alternance entre ses incisives.
Elle portait des tenues sportswear de bon rapport qualité-prix - certaines marques ont fait beaucoup de mal au corps professoral. Sa peau de blonde manquait cruellement d'hydratation autant que sa teinture blond clair uniforme manquait de retouches aux racines. Et fallait- il parler des dents ?

De l'argent il y en avait. Bien assez en tout cas pour les voyages au bout du monde de Bali à Vancouver. Leur demeure, une maison de maître cossue qui se situait dans le Nord de la France.
La vie allait ainsi.
Et pourtant elle n'allait pas. La preuve en était Lucille, cette inspectrice académique un peu vieille fille qui avait su détourner Marco du regard de Catherine et l'attraper malgré ses airs de godiche par le sexe.
Lucille s'était la vie en cachette, les promenades à Paris, le pont des Arts et toutes ces cochonneries dans les hôtels juste convenables du quartier latin.
Marco s'envoyait en l'air ; Lucille s'envoyait en l'air et tous les deux s'envoyaient bien loin d'un quotidien très quotidien. Le plaisir, la liberté (fausse) gouvernait cette idylle. Est-ce que c'était plus ou moins que cela ?
Ils découvraient ensemble la capitale, les déjeuners au Procope, le passage de la rue Dauphiné et tout ce que Paris réserve aux amoureux. Catherine, le Nord c'étaient loin.

Aux yeux de Marco tout était logique. Il s'octroyait dans le plaisir sa petite vengeance. Après tout la déliquescente Catherine ne lui avait pas donné ses petits  ; à l'occidentale il la repudiait.

La géographie avait ses limites : croquis, couleurs, flèches, composition coeff trois et puis quoi encore ? Le dernier modèle de Saskia sur les villes globales ? La géographie ça donne faim. On s'ennuie tellement. Marco lui il voulait tout engloutir : de la bouche de Lucille à son derrière plutôt bien fait, il en bavait pour venir à bout de cette péppée enfoulardée.

Et elle Lucille ?
Comment pouvait on tomber sous le charme de cet homme, Marco, sinon parce qu'il incarnait la puissance ? Elle mangeait le pain noir, qui n'était d'ailleurs pas dégoûtant.
Tout le monde utilisait tout le monde -ou presque.
Marco utilisait Lucille qui lui asticotait bien les parties fines. Elle en tirerait bien bénéfice quand son N+1 giclerait.
Catherine semblait en reste mais c'était au fond elle qui cachait le mieux son jeu. Passive elle n'en restait pas moins voyeuse. Dans sa salle de classe ultra testéronée elle se réjouissait de tous ces pénis dirigés involontairement vers elle. Ils avaient de beaux sexes, jeunes, fermes, bien faits. Elle aimait le grand Kurde, ses yeux vert d'eau et ses rêves de football. Certains s'éternisaient un peu pernicieusement à son bureau après la sonnerie. Elle les aimaient ses petits tout en sachant que ces nuées masculines autour d'elle ne cherchaient qu'un mot doux sur un bulletin.

Tous trois avaient leurs plaisirs et leurs vices ; et cela ne changeait rien à rien. Tout le monde savait tout et rien n'était troublé pour autant. Ceux qui avaient croisé Marco et Lucille main dans la main avaient gardé le silence. Chacun avait son point de vue du plus au moins tolérant mais le plus important c'est que rien ne changeait rien. Marco est resté avec Catherine. Marco fréquente peut-être encore Lucille, en tout cas elle a été promue.