
"Jamais deux sans trois"... et pourtant force est de constater qu'après 2 films très réussis sur les ados désaxés Sofia Coppola fait sa crise !
Pourtant rien ne laissait présentir le navet : communication choc dès le début du tournage, bande annonce léchée au quart de poil annonçant icônoclasme et rythme endiablé. À la sortie du film, queues d'enfer à toutes les séances du cinéma MK2 Nation... "c'est sûr, c'est elle qui va l'avoir la palme" ! Et puis nous y voilà : le film démarre. Dès le générique Sofia semble vouloir donner le ton : musique punk tonitruante sur fond noir et lettres rose tyrien entrecoupé d'un plan fixe sur elle, Marie-Antoinette avachie dans un divan laissant courir ses doigts sur d'innombrables sucreries tandis qu'une habilleuse lui enfile ses souliers. La voilà l'image de Coppola ! Un mélange de rock'and roll et de froufrous, de satin rose et de bonbons. Jusque là pas de surprises : générique conforme à la bande annonce. La musique assourdissante s'arrête (ouf !) nous sommes à Vienne. Marianne Faithfull (fameuse icône pop que Sofia n'aurait su oublier dans sa gallerie d'amis Rock'n Roll (on note aussi la présence d'Asia Argento en Madame du Barry)) bouffie et déguisée pour l'occasion en Marie Thérèse d'Autriche fait ses adieux à Antoine, sa fille.
Début d'une biographie touchante... une enfant de 14 ans arrachée à sa vie sans le moindre scrupule, pour le bien de l'Europe que l'on doit pacifier par un mariage. Biensûr, être reine n'est pas une partie de plaisir... On le savait, Coppola nous le montre en insistant à juste titre sur le fait que Marie-Antoinette est un pion sur l'échiquier des relations internationales, qu'elle ne connait le Dauphin qu'au travers d'une miniature en émail, portrait qu'elle n'a de cesse d'ailleurs de regarder tout au long du voyage qui la conduit au royaume de France, comme pour mieux se pénétrer de ce visage inconnu et imaginer qu'autour de lui existe un sentiment amoureux... illusion biensûr car en France pas de sentiment ! que du protocole et c'est le raccourci auquel nous avons droit ensuite : Versailles, c'est le ridicule de la bienséance et de la forme (même si on sent un petit pincement au coeur : "nous les Ricains, on ne connaît pas les fastes de la monarchie absolue et au fond on aime bien ça"). Certes le lever du roi fait sourire la première fois... nettement moins les autres. Faut-il montrer la récurrence du protocole pour nous faire conclure à son aspect carcéral ? La réponse est oui pour Sofia Coppola qui abuse de plans similaires sur Marie-Antoinette esseulée dans des interminables galleries, qui abuse des plans où le champagne coule à flot... Scénario à volutes mais sans la moindre profondeur... puisque le coeur-point de retour du schéma narratif est : l'impuissance du roi (pour le spectateur qui est sensé rire) pour les protagonistes le fait que Marie-Antoinette ne fasse rien pour que son mariage soit consommé. Et précisemment, on comprend que Sofia Coppola a envie de faire un film sur une adolescente parachutée dans un monde rigide et glacé, qui ne laisse aucune place à l'onirique, à l'amour. On a envie d'ailleurs nous aussi de prendre ce parti pris là, de l'aimer la Reine après tout... au moins le temps d'un film ! Mais ça ne fonctionne pas ! Malgré la musique rock décalée, malgré l'adultère et l'alcoolisme... le style bonbon-poupée le tout servi sur une sauce rose ne sauve pas un scénario bidon.
Pourquoi s'embarrasser de la chronologie ? pourquoi parler du Comte de Fersen ou évoquer la fausse (et pourtant célèbre) citation de la brioche ? Pourquoi ? Pour l'avoir fait et ainsi satisfaire les historiens ? Pourquoi ne pas assumer un film d'auteur et envoyer valser la chronologie historique et faire un film plus introspectif sur la décadence d'une Reine de France, femme incomprise par son temps ? Au lieu d'un Lost in translation version 18ème siècle "Marie-Antoinette" est un film plombé par un récit trop linéaire jalonné de grossières ficelles (je pense au plan où Marie-Antoinette lit du Rousseau dans l'artificielle campagne du Hameau... ), une caméra trop distante (quoique question image les plans eux soient trop serrés) qui ne crée pas d'intimité spectateur-héroïne (Marie-Antoinette est mal aimée mais c'est normal, c'est un glaçon auquel personne ne peut s'identifier !)
Elle voulait enfanter une Marie-Antoinette icônoclaste, tantôt trash tantôt hippie... Sofia Coppola reste beaucoup trop au ras de l'Histoire et oscille entre frise historique (faut le dire vite) et film esthétisant la prétendue maladresse de deux ados couronnés.
Pourquoi elle ne tranche pas la Sofia entre film comique (bonne idée d'un Léonardo, couturier gay aux allures de J.P Gaultier, bonne idée aussi les converses roses égarées parmi la somptueuse collection de chaussures de la Reine), film historique ou film psychologique sur une femme qui n'a pas le droit d'être une femme comme les autres ?
Sans rancune Miss Coppola on compte bien se rattrapper au film suivant !