09 août 2006

A tribute to...


À Paris, il a toujours une salle de cinéma qui diffuse LE film que vous rêviez de revoir sur grand écran. Après avoir revu « Working girl » et « Blow up », ce dimanche, retour au pays gitan d’Émir Kusturica. Depuis plus de dix ans que j’attendais que « le temps des gitans » repasse à la télé ! Mais la télé oublie les cinéphiles… Ouf ! le Majestic Bastille ne nous oublie pas lui !
Dix ans… on a le temps de cristalliser ! Revoir un film que l’on a adoré, est toujours un peu angoissant… c’est un rendez-vous avec sa mémoire qui est parfois cruel puisqu’il faut accepter un possible sentiment de déception à l’issue du film. Lorsqu’on adore un film (ou un livre, c’est la même chose d’ailleurs) on appréhende parfois à l’idée de le revoir, de peur de ne pas retrouver nos émotions originelles. Il est, a priori, délicat de toucher aux « monstres sacrés » de nos souvenirs. En réalité, ceci est moins une règle d’une impression : les chefs d’œuvre se relisent, se revoient évidemment… N’empêche qu’il y a toujours cette petite angoisse liée à l’envie de refaire le même chemin. Et alors ?
Si le film a une portée beaucoup moins esthétique que dans mes souvenirs, le scénario quant à lui n’a pas pris une ride. Une histoire vieille comme le monde mais qui fonctionne toujours… un autre Oliver Twist, qui prendrait place dans les Balkans. La Bosnie-Herzégovine… un bout de terre bel et bien réel, sur lequel vit dans le dénuement le plus total, une communauté de gitans. Nos yeux d’Occidentaux interrogent : où s’arrête le réel ? dans ce bidonville slave, gris et boueux, reste heureusement un peu de folie, un peu de vie. Elle gagne les hommes, clowns mélancoliques aux accents chaplinesque. Kusturica s’amuse à mettre en scène d’insolites personnages notamment une grand-mère animiste, un oncle concupiscent et aliéné, enfin, Perhan, un adolescent orphelin et dresseur de dindon. Tous (encore mille autres !), vivent comme hors du temps et de l’espace, reclus et immobiles. Seule leur « folie » apporte la vie et il semble alors que la communauté échappe à son propre sinistre. Folie des cris, unique moyen de communication, folie des chants qui relaient la parole quand celle-ci ne conduit qu’à un dialogue de sourds. C’est qu’on ne s’écoute pas chez les gitans, pas plus que l’on se montre d’ailleurs. Par pudeur, on ne dit pas ses sentiments, mais on peut les lire, en revanche, sur les corps tatoués du prénom de l’autre. Ainsi le corps et l’esprit sont réunis par cette inscription, véritable serment d’amour. Perhan (le personnage central), ne déroge pas à la règle. Lui, il aime Azra, fille d’une gitane hystérique et vénale, peu encline à laisser la main de son enfant à un orphelin pauvre et bâtard. N’empêche que Perhan a une âme de gitan, qu’il tient de sa grand-mère. Elle, est thaumaturge, lui, un drôle de magicien. Alors gare à ne pas perdre cette âme. Malgré les recommandations d’une grand-mère qui connaît bien les hommes, leurs mensonges et leur lâcheté, Perhan se laisse voler ce qu’il a de plus cher : son innocence et cède au chant envoûtant de la ville, gigantesque miroir aux alouettes. Cependant, la ville enfante aussi des "rois", tel Ahmed, un gitan exilé revenu au pays couvert d’or… Loin de la folklorique terre mère (au propre comme au figuré), notre adolescent entre dans la réalité aux côtés de cette arsouille sans vergogne. Aïe aïe aïe ! Mieux valait peut-être l’honnête et tranquille folie du pays plutôt que l’ignominie d’un monde où brillent les dollars nés d’un sordide trafic d’humain. Tragique voyage que Perhan fera donc au prix de sa vie… il aura néanmoins appris que l’âme gitane s’envole vite… mais que dépourvue de celle-ci, le corps ne reste qu’une armure de chair fragile pour affronter la vie… Un tatouage sur un corps n’a plus guère de valeur quand derrière le masque de l’amour, le cœur est vidé.
Une ballade dans ce monde fou (ici où là)… dans lequel nous sommes enfermés, à l’image de cette cathédrale miniature sur laquelle la grand-mère « pelote » un fil de laine rouge… Linceul sur le monde spirituel, achevé par un monde bassement matérialiste.

1 commentaire:

la grande fille a dit…

no comment par contre sur les 2 vieilles connes... mais 10 ans d'attente... j'aurais aimé le silence dans la salle...