17 avril 2006

L'étrange exotisme de Rousseau


Et si tous les Rousseau avaient la même idée du monde ?
Je vous l'accorde le parallèle est facile... c'est vrai, Jean-Jacques Rousseau a été un des fervents défenseurs du mythe du bon sauvage... mais à en observer les toiles réunies au Grand Palais, Jean-Jacques a un acolyte homonyme ! Curieuse coïncidence. De l'exposition "les jungles", reste un sourire sur les lèvres, comme l'idée d'un travail bien fait du douanier.
Car il peint bien le douanier. Il a le soucis du détail (jusqu'au brillant du solitaire de son épouse) et du réel... Oup's du réel ?? À bien y regarder pas si réaliste que ça son oeuvre : la jungle est-elle peuplée de chevaux ? de singes dégustant des bananes ? De réels, ne demeurent que les phantasmes du peintre, d'un parisien qui a pour principale source d'inspiration les animaux du jardin des plantes.
Information qui casse le mythe je sais... Moi qui pensait que Rousseau était une sorte d'homologue de Gauguin, absolument pas ! Mais du coup Rousseau en sort grandi car lui n'est pas un imposteur : alors que Gauguin croit trouver aux Marquises le bon sauvage (illusion car il retrouve la corruption morale qu'il croyait fuir en quittant l'occident) et se leurre lui même en croyant retrouver l'origine. Rousseau lui reste vrai dans son monde exotique phantasmé, fait de représentations d'occidental sédentaire. Vous me suivez ?
Excellente contextualisation de l'oeuvre du douanier dans la salle verte (vert végétal, car nous entrons à proprement parler dans les "jungles" à partir du rez-de-chaussée). Ici on vous rappelle que l'époque du douanier est celle de la France-empire colonial, d'un Paris théâtre d'expositions universelles qui érige des pavillons-répliques de villages ou monuments africains et asiatiques... Autant d'images d'un ailleurs qui imprègne un peintre confiné dans l'univers spatial parisien.
À travers la presse aussi, Rousseau se constitue une bibliothèque d'images dans laquelle il va pouvoir piocher, par exemple les unes du "petit journal" illustré qui relatent par la gravure la fuite d'un fauve hors des grilles du zoo, les traits d'une négresse gabonaise...
Exposition enrichissante qui casse les préjugés sur la peinture naïve.
Ici : la charmeuse de serpents. Oeuvre qui est considérée comme la plus aboutie de Rousseau. La profusion végétale est de rigueur, elle est un dénominateur commun dans l'ailleurs exotique phantasmé du peintre. L'éclairage de la scène est lui aussi tout à fait fantaisiste : le mystère de cette ève noire enveloppée d'ombre s'oppose au végétal de premier plan artificiellement ensoleillé. La Charmeuse est la peinture que j'ai le plus apprécié, sans doute comme beaucoup de visiteurs, j'ai été frappé par le mystère de cette négresse, son animalité presque... et pourtant déesse à la fois. Le motif de la femme, de la femme-animal et du serpent est aussi très baudelairien... alors ça m'a plu tout ça !
En vous remerciant bonsoir !
NB : la qualité de la reproduction jointe est lamentable... en "vrai" la scène est comme éclairée par un soleil couchant (même si l'astre est presque au zénith... encore une fantaisie du peintre). La scène est donc assez sombre et la charmeuse quasiment noire ; on se distingue pas ses traits ni son corps...

1 commentaire:

la grande fille a dit…

Je signale que "la Charmeuse de serpents" contrairement à beaucoup d'oeuvres du douanier est chez nous, au musée d'Orsay : "au moins ça reste en France" !