12 août 2006

Massis (le Mont Ararat)


Ah ! Guédiguian ! Pour nous Méditerranéens, impossible ou presque de râter un film de notre chouchou Marseillais. À titre personnel, j’ai vu l’ensemble de ses films, si, si, sans jamais renier le travail de ce cinéaste honnête et intelligent. J’ai aimé (euphémisme) ses films, moins aimé, mais je n’ai jamais pu constater que Guédigu’ ait un jour pris la caméra pour faire n’importe quoi. Il faut bien le dire, son mérite est de toujours mener un combat en racontant des histoires (ça à l’air un peu bête mais en réalité, peu de films racontent vraiment des histoires qui ont une unité)… bref, parfois il le fait brillamment, parfois la mayonnaise prend moins… mais ça on lui pardonne !
Avec ce « voyage en Arménie »… je craignais un peu (beaucoup) que « ça » tourne au mélo (il y a des histoires auxquelles on tient trop pour les raconter avec élégance…). Erreur ! Ici, Guédiguian nous offre un film tout en dentelle, un tableau touchant mais nu et cru d’une Arménie qui n’est pas celle, sublime et idéalisée que l’on aurait pu loger dans des souvenirs familialement transmis. C’est bien sûr là que ça commence à devenir intéressant : ouf ! on aura pas LA carte postale, LE film consensuel et cul-cul… qu’un cinéaste inutile aurait pu nous donner (vous connaissez « les choristes » ?).
Anna, médecin part retrouver son père en Arménie pour lui annoncer (ce qu’il sait déjà) qu’il est gravement malade. Le départ se fait à contrecoeur. La rencontre avec l’Arménie promet d’être un choc… elle l’est. Loin des paradisiaques et nostalgiques paysages du Mont Ararat, Yerevan se dessine comme une ville en explosion, qui entend bien rattraper un retard accumulé à l’« époque » communiste en copiant le modèle américain ! Confrontation douloureuse, dangereuse avec une Arménie qui semble toute étrangère à Anna, moins parce qu’elle n’y est jamais venue que parce qu’Anna ne veut pas appartenir à ce pays là.
Intruse dans Yerevan, Anna masque son malaise en se « déguisant » à la mode Arménienne, qui au fond à bien des accents américains : brushing de diva, ongles « french-manucurés », mais rien n’y fait ! Anna n’est pas de là, et même identique à eux (les Arméniens), elle ne peut pas être de ceux là, elle ne veux pas avoir la nationalité de ce père qu’elle déteste… mais qu’au fond bien sûr elle adore.
De rejets en rencontres, Anna ne peut cependant nier longtemps son arménité. Yervanth, un marseillais exilé (donc un double presque frère), va la démasquer et la faire accéder à sa propre vérité… Tombe le masque, tombent les barrières, les talons aiguilles de « bourgeoise-occidentale » restent eux, mais ils ne sont plus que le symbole d'un chemin qui mène Anna à son père, le lien entre deux cultures. Avec ou sans Anna comprend qu'au delà des apparences elle est une fille de cette terre, qu'elle leur ressemble à ces Arméniens qui ont les mêmes sourcils qu'elle (je cite).
Un beau film sensible, qui raconte la difficulté d’avoir deux amours (thèmes récurent chez Guédig’) la France et l’Arménie ; un beau film aussi sur un tout petit pays mis à mal par son histoire, qui semble dépossédé de toute identité et qui peine à refermer de profondes cicatrices. Loin de faire de l’Arménie un pays martyre et malgré ses origines, Guédiguian constate bien plus qu'il ne juge, même si l'amertume point à l'évocation du Mont Ararat, symbole national, qui du haut de ses 5000 mètres, veille désormais sur la Turquie.

1 commentaire:

la grande fille a dit…

le voilà, tu peux le lire désormais !