31 mars 2007

Un oiseau de toute beauté

Allez savoir ce qui parfois attire votre œil ! Voilà quelques semaines, alors que je feuilletais comme à mon habitude le supplément « sortir » de Télérama et je tombe sur la photo liée à ce message. « C’est qui ce type débile ? ». Il semble, à lire l’article, que le tout Paris se presse à la Boule Noire pour assister au spectacle d’un échalas déguisé en oiseau. « Tiens, ça me plait bien ça ». En dociles moutons et pour ne pas déroger à la règle édictée par le commentateur (« après tout nous sommes Parisiens ! »), je réserve 2 places sans en savoir davantage sur ce fameux oiseau bleu, qui s’auto met en scène dans un épisode au titre singulier : « the battle of war ». Suspense total. Aurons-nous droit à un de ces happening parisiens à la « Grand Mezze » ? Ou allons-nous à regret découvrir un humoriste aux blagues douteuses ? Grandes interrogations à la veille de découvrir Arnaud Aymard, le dit oiseau.
Dès l’entrée, une fille affublée de fringues vieillottes nous accueille et nous met dans l’ambiance kitscho-délirante qui va suivre. Quoique jeune, elle nous parle comme à des demeurés, comme si entre elle et nous il y avait l’écart de quelques générations. Elle sent presque la vieille fille dévote avec son serre-tête, ses « mes p’tits chéris » et son obséquiosité qui fait qu’elle ne nous lâche plus le bras. Mais elle doit aussi accueillir les autres et nous laisse finalement nous installer. Nous attendons l’oiseau dans sa cage ; des « cui-cui » et autres sons d’oiseaux font office de musique d’attente. Une fois la petite salle pleine, la fille de l’accueil revient vers le public : elle a toujours son gros sac au dos et nous sert des verres de lait froid. « Bon sang mais où sommes nous ? ». Ce rendez-vous semble sérieusement tourner à la farce. « Par chance nous ne sommes pas au bord de l’allée… risque pas de nous arriver des misères », comme par exemple être appelé à monter sur scène —le supplice bien souvent redouté (on apprendra par la suite que le danger n'était pas d'être au bout d'une rangée de fauteuil, mais plutôt de sortir de la salle avant la fin... "sortir" vite dit car celui qui tentait une évasion voyait débouler de la scène jusqu'à lui le comédien déjanté !).
La lumière s’éteint : le spectacle démarre. Doucement, mouvement après mouvement, l’oiseau bleu entre en scène. En cinq minutes le public est hilare devant cet individu devenu oiseau puis fou du Roi débarqué —grelots aux pieds— d’on se sait où pour nous raconter une histoire ridicule et tout en dérision. On s’en donne à cœur joie devant ce clone d’Ubu, qui à l’image de ce maître s’est choisi un lexique et des personnages potaches dont il use et re-use tout au long du spectacle : tout ici est « incroyable » et de « toute beauté ». Cependant l’historiette de l’oiseau bleu tournerait un peu court, si elle n’était pas une satire de notre société. Le volatile quoique inséré dans une société capitaliste et libérale (dont les bastions seraient Luxembourg et la Suisse) se plaît à défendre veuves et orphelins, tels les « enfants sales » d’Enfer Corral. Entre âneries et délires idiots, le spectacle se fait aussi tour de chant puis cour de récrée à l’entracte, où le public est invité à jouer à la tomate et à écrire des poèmes pour l’oiseau bleu.
Drôle de soirée donc, dont nous reparlons beaucoup, en attendant de découvrir avec grand plaisir l’épisode deux annoncé à la fin du spectacle dans un bordel innommable entre l’acteur descendu de la scène et le public : du grand n’importe quoi !
Après recherches, nous constatons avec fierté que nous n’avons pas eu tort de le « comparer » à Edouard Baer, puisque les deux hurluberlus se sont croisés à plusieurs reprises, notamment dans le « Grand Mezze ». Tout est bien qui fini bien : nous avons vu ce que nous pensions voir !
À suivre donc le prochain opus : « l’oiseau bleu sauve New York ».