01 février 2007

Cani di bancata (chiens de rue)

Connaissez-vous le théâtre sicilien ? Pas plus que moi peut-être avant d’aller voir la dernière pièce de théâtre d’Emma Dante.
Le titre de celle-ci n’a déjà rien de convenu… Molière, cèlèbre provocateur n’était pas allez jusque là et pour cause ! il ignorait tout de la mafia italienne… sujet de cette pièce courte mais déconcertante. Je n’avais jamais vu un théâtre aussi brut et dérangeant : certains l’ont été au point de quitter la salle, d’autres ont applaudi à contre cœur en déclarant haut et fort la nullité du spectacle, forme d'expression qui, je trouve, résume surtout l'incompréhension du public. Il faut préciser tout de même que le baisser de rideau se fait sur une dizaine de personnages nus, l’un pendu à une potence les pieds ballants, les autres entrain de se masturber (de dos, pudeur oblige !) le corps peinturluré d'énormes lettres noires !
Tant de provocation pour dire à quel point la Sicile et par extension l’Italie est gangrenée par la pieuvre, infiltrée dans les moindres recoins de la société. On comprend que ce constat soit amer pour les Siciliens et pour Emma Dante qui en fait partie. Aussi elle n’a aucun scrupule à montrer avec cynisme l’absurdité et l’incohérence de l’Italie, chrétienne jusqu’au tréfonds et corrompue jusqu’au sang. Pas de scrupules à mettre une femme, la « mama » à la tête de cette tribu de chiens, qui l’appellent la « Santissima » alors qu’elle œuvre pour les pires crimes. L'évocation du Seigneur en ce décor incongru semble bien dérisoire !
La pièce bouillonne, ça mange, ça se bat, ça hurle, ça s’insulte et se crache à la figure ! Les voilà ceux qui sont aux commandes du pays : grossiers et incultes soit ! mais en plus agissant au nom de Dieu ! l’absurde atteint son sommet et le message est lancé. Le cynisme de ces fauves répond à celui d’Emma Dante qui propose une fin des plus déroutante ; pourtant elle ne devrait en rien faire sortir les gens de la salle car le plus odieux n’est pas, au fond, de voir la mafia se masturber en regardant la carte de l’Italie, mais la mafia elle-même. Message choc, pour une metteuse en scène que l’on sent ulcérée par un phénomène réel qui demeure invisible.

Le théâtre contemporain n'a visiblement pas fini de nous déranger donc de nous faire réfléchir... et tant pis pour tous ceux qui garderont les yeux fermés et sortiront encore des salles de théâtre sans jamais essayer de donner du sens à ce qu'ils voient... qu'ils retournent à leur télé et à leurs programmes formatés, pré-digérés et qu'ils ne choquent jamais plus leurs consciences non pensantes !

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