12 mars 2007

10 mars 2007 9 h 30 quai de Seine

Paris. Encore vide, mais déjà éclairée de lumière : je sors de la voiture. En un claquement de portière je referme sur moi une bulle. Me voilà anonyme et seule sur le quai de la Seine. Charnière temporelle ; dans quelques minutes les rues de Saint-Michel vont commencer à se gorger. Des étudiants, des touristes et puis les autres. Je m’arrête une seconde et regarde le fleuve. Il y a trop de lumière, les yeux plissent. Je change de lunettes. Le niveau de l’eau a monté sérieusement. Je commence ma course en direction du Luxembourg. Des Japonaises joyeuses. Sur le Boulevard Saint-Michel, la bulle se renforce d’une seconde enveloppe. Mes lunettes de vue sont toujours dans ma main. La myopie m’isole ; les verres sombres aussi. Invisible, je me fraye un chemin parmi les invisibles. Les ombres passent, parfois bruyantes ; je regarde le trottoir. Des milliers de tâches plus ou moins rondes, plus ou moins blanches : des milliers de chewing-gum piétinés. Ils m’intriguent toujours. On ne voit jamais personne jeter son chewing-gum à même le trottoir. En général on prend le soin de le rouler entre le pouce et le majeur avant de le lancer au pied d’un arbre ou sur la chaussée. Pourtant la preuve est là, tous les vingt centimètres. Combien de pieds se sont retrouvés piégés sur ce même trottoir ? Leur nombre doit imposer la compassion. À travers une vitrine, des couleurs : « jolie robe ; un peu trop non ?» ; « le collier est bien aussi ». Je continue. Tiens Sarkozy ! Une affiche affirme que les étudiants sont avec lui dans la campagne. Les boutiques sont fermées. Je cherche un banc pour passer le temps. « Square Paul Painlevé ». « 1863-1933 ». « Mathématicien ». Il est joli ce square. Sans réfléchir je me suis assise presque dos-à-dos avec la statue de Montaigne. Ce square est un petit écrin bien rempli. À droite, une réplique de la Louve, mère fondatrice de Rome. On dirait qu’elle a les yeux en cristal Swarovski. Je rechausse mes lunettes de vue. Le gauche est vert, le droit est bleu. C’est drôle. Au centre, un jardin médiéval. À gauche, une arche célèbre Octave Gréard (c’est qui ?). Enfin, en face de moi, après le jardin, une sculpture en pierre rend hommage à Puvis de Chavannes. J’aime bien cet artiste. C’est amusant un si petit square qui salue tant de choses ! Dix heures passées. La librairie a ouvert. La vie reprend après cette pause en soi. « Une jonquille pour Curie » ; c’est indiqué sur une affiche. Paris a tant d’hommes illustres à fêter.

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