21 juin 2007

Et pourquoi pas Nijinski ?

21 juin : jour du bilan.
Dans la vie d’un enseignant tout se termine toujours le 21 juin.
Anormale parmi les normaux, ce jour de fête (de la musique) a souvent été pour moi, un jour d’immense vacuité. À cette date l’année scolaire est terminée et contrairement à l’idée reçue cela ne s’accompagne pas nécessairement d’une joie débordante. La fin des cours est un passage psychologiquement critique qui s’accompagne d’une inexorable et annuelle prise de conscience : celle que le temps passe. Certes en septembre tout recommencera, mais curieusement rien ne sera pareil, à commencer par les élèves. L’idée d’un perpétuel recommencement est assez oppressant car mécanique, comme si le professeur au fond n’était qu’un robot éternellement paramétré pour modeler les esprits !
À chaque fin d’année j’en suis donc là à me remettre en question et à deviser sur le fait qu’il est effrayant de ne pas laisser de traces derrière soit, alors que les ans laissent des traces sur nous ! On repense aux élèves que l’on a fini par aimer au bout du compte ! Et que l’on ne verra plus, qui vont poursuivre leur route comme nous la notre en faisant semblant que rien ne nous affecte jamais.

21 juin : jour du souvenir.
La « fin » du travail coïncide avec la fête de la musique. Je me rappelle l’avoir passée avec Drucker sur France 2 ou avec des copains de classe et de fac, avec des collègues ou des amis aussi. C’était à Hyères, à Nice, à Marseille ou à Paris, au Luxembourg ou aux Tuileries sous la grande roue qui m’illumine encore de ses feux colorés. C’était beau. De chouettes souvenirs mais qui m’assaillent un peu trop fort. Que le temps passe...

21 juin 2007 : jour des bonnes résolutions.
Fort du constat précédent et de l’humeur massacrante du jour, 3 choses s’imposent !
Un : arrêter de ressasser ses souvenirs en se prenant pour Elisabeth Bennet dans Pride and Prejudice ;
Deux : arrêter de regarder voler les moucherons (et la pendule qui n’avance pas) d’un air dépité d’avance (lui) ;
Trois : arrêter de penser que je suis la victime perpétuelle d’autrui bref, arrêter de penser que j’ai une raison valable de déprimer.
Pour tenir toutes ces bonnes résolutions, une solution : le musée d’Orsay.

10 heures.
Après toutes ces tergiversations et avoir hésité mille fois à bouger mon derrière pour éviter la sinistrose, je descends prendre mon vélo décati, qui a bien failli me servir d’alibi pour ne rien faire. À la guerre comme à la guerre, il n’a plus qu’un frein, et bien qu’à cela ne tienne, je freinerais avec les pieds ! En route vers la Seine, à la gare d’Orsay !
Quel drôle de sentiment que celui d’arriver chez soi ! Je le connais du fond du cœur ce musée et refais sempiternellement le parcours pour saluer les mêmes tableaux. Je sais où chacun se loge et remarque immédiatement les changements d’accrochages et les pièces qui ont disparu le temps d’un prêt. Je viens régulièrement rendre visite à ces amis inertes qui me font tant de bien. C’est un pèlerinage, païen ! Peut-être parce que j’ai reçu une éducation des plus anticléricale je réalise aujourd’hui à quel point il est fondamental de croire en des icônes. Elles parachèvent notre fabrication et sont les référents qui font notre consistance !
Je n’arrive pas à dater précisément cette révélation quasi mystique pour la peinture. Cela se situe très probablement autour de 1995, au moment où j’ai découvert mon maître absolu en matière de littérature : Flaubert, qui se trouve être le point de départ de mon tissage culturel !
Toujours est-il que je peux passer des heures à Orsay (et le fais) à me ressourcer, seule, en tête à tête avec les toiles. Je les regarde familièrement et il faut croire qu’elles me répondent. Elles me renvoient des souvenirs et des Correspondances. Vertige Stendhalien ou pas, je dois quand même reconnaître que la peinture me transcende et revêt un caractère fondamental dans ma construction intellectuelle (ça manque vraiment de modestie tout ça !).
Le bilan.
Suis très contente d’avoir échappé au cafard du 21 juin !
Cela dit je reviens un peu frustrée de mon pèlerinage : le seul Burne-Jones d’Orsay était à Lyon et les étages destinés aux arts décoratifs néo-gothiques étaient fermés. Côté expositions temporaires c’était inégal, celle sur les architectures des expositions universelles était peu fournie, par contre la collection de photographies sur le thème de « la main » était tout à fait intéressante. Il y avait quelques photographies de Julia Margaret Cameron, que j’aime beaucoup et deux ou trois très beaux clichés de Nijinski (les plus célèbres) dans le costume de « l’après midi d’un faune » (photos qui me vaudront d’aller chez Gibert relire les 110 alexandrins du poème éponyme de Mallarmé !). Enfin l’expo sur Vollard fait un tabac, il faut dire qu’elle présente les œuvres sacrées du début du XXème, réunissant des pièces maîtresses de Cézanne, Van Gogh, Gauguin ou Picasso.
17h30.
L’après midi est déjà bien entamé, il est temps de regagner ses pénates…

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