14 août 2007

Et un Délice Paloma un !

Comme la plupart des petits films étrangers qui passent inaperçus, Délice Paloma est un grand film ! Cette remarque un peu anodine soulève quand même un paradoxe : tout le monde préfère voir un mauvais Chabrol, qu’un bon film d’un mec inconnu du grand public ! Mystère de l’âme humaine ! Soit dit en passant j’allais moi-même passer à côté de ce film brillant, mais ! chance des chances au cinéma d’Hyères Délice Paloma était le seul film proposé en VO ! Du coup je me suis mise à associer deux idées : VO en province (j’adore faire la Parisienne !) = bon film ! bingo !
Délice Paloma est une comédie dramatique qui met en scène une femme d’une cinquantaine d’années, Madame Aldjéria, cerveau féminin d’une mafia algéroise de petite envergure. Aldjéria est spécialisée dans tout et rien à la fois, mais sait vous donner le petit coup de pouce qui vous rendra la vie merveilleuse… Sauf que le coup de pouce n’est jamais très net. Entre bakchich et proxénétisme, voilà où se situe le business florissant de la working girl bienfaitrice d’Alger. D’affaires en magouilles Aldjéria finit par plonger et écope de 3 ans de prison. À sa sortie plus rien n’est pareil et ses rêves ont volé en éclats.Délice paloma est un drame magnifique (Biyouna est une actrice si incroyable qu’à la fin on est convaincu qu’elle vient de nous narrer sa propre histoire), dont la portée symbolique est immense. Ici on vous parle de rêves, de liberté mais aussi des illusions qui conduisent à plus prosaïque : le mensonge et la prison. Nadir Moknèche se veut peintre réaliste, il nous montre le sordide de l’âme humaine et le monde pitoyable de la corruption qui se donne bonne conscience. Dans la bande d’Aldjéria tous montrent belle figure mais tous sont presque déjà morts, étouffés par le mensonge, asphyxiés par la malhonnêteté et l’avidité.À Foukas, dans sa campagne natale, Zineb Agha était une petite fille heureuse et nourrie de rêves dont le décor était celui des thermes de Caracalla. Pour une enfant des terres arides, Alger est un El Dorado. Zineb y change son nom et devient « Aldjéria ». Premier mensonge… mais il plait aux hommes ! De mensonges en usurpations, Aldjéria devient rien moins qu’une putain mafieuse qui contrôle Alger du haut de ses talons et de son immense appartement au 17ème étage avec vue imprenable sur le monde ! Seulement tout sent déjà la prison. L’appartement a beau être luxueux et démesurément grand, la petite communauté mafieuse y est comme recluse, à l’image des oiseaux en cage que collectionne Ryad, le fils. Dans ce monde de faux-semblant l’argent est censé apporter le rêve et la liberté (y compris celle de dominer les autres), mais qui y croit vraiment ? Partout tout n'est que toc, comme les faux accessoires Chanel d'Aldjéria ! D'ailleurs Ryad ne pense qu’à fuir Alger –ville dans laquelle les jeunes semblent être prisonniers– pour l’Italie et ainsi retrouver son père, donc son identité. Aldjéria elle-même ne cherche qu’à fuir la ville pour courrir après sa jeunesse que trop révolue.Aldjéria est au sommet… et puis au fond. Trois ans en prison la transforment à peine. Elle reste un monstre inébranlable, du moins en apparence. Les autres membres de la bande eux, ont tourné la page et fait leur mea culpa : Shéhérazade, son « assistante prostituée » et Mina, sa sœur ont pris le voile. Mais pour Madame Aldjéria, pas de rédemption ! Elle ne renie rien, puisque renier c’est mourir en condamnant les choix qui l’ont faite. Jusqu’au bout Adjéria reste une force aveugle et orgueilleuse, pourtant terriblement triste. Déshonorée et ruinée Zineb (alias Aldjéria) s’en remet à ses rêves, de nouveaux rêves à présent… bien moins mégalos. Il faut peut-être une vie pour comprendre ce qui est essentiel et ne pas céder aux sirènes de l’argent…

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