27 octobre 2010

Nouvelle-feuilleton (1)

Jon referma la porte. Il se trouvait désormais dans le cocoon au décor standardisé de sa chambre d'hôtel trois étoiles. Pour un hôtel parisien de quartier, le confort n'était pas mauvais, l'hygiène tout à fait acceptable et les murs avaient été fraîchement reblanchis. Il roula sa valise jusqu'au milieu de la pièce qui se décomposait en une partie nuit assez spacieuse et un coin toilette plus au fond et délimité par une porte. Deux grandes fenêtres donnaient à la chambre une faible lumière. Jon eut le juste pressentiment que l'immeuble donnait plein nord. Sa pratique de la peinture, en amateur, l'avait rapidement amené à repérer la "bonne" lumière et il rêvait de posséder son propre atelier d'artiste, luxe de bourgeois bohème qu'il ne pourrait jamais s'offrir. Assez machinalement il fit le tour du propriétaire, comme pour approuver son choix sur la longue liste d'hôtels qu'il avait établi la veille. Il alluma toutes les lumières, se rapprocha du vaste miroir au dessus du lavabo, puis se dirigea vers les vitres afin d'apprécier le paysage. En bas, il y avait la rue, étroite, sombre et droite. En face, des immeubles en pierre de taille garnis de décors simples et identiques sur plusieurs numéros. Les portes cochères, ordinaires, les distinguent des beaux immeubles parisiens, cossus, haussmaniens.

Jon s'assit au pied du lit, saisit le cadran de sa montre de la main opposée et lâcha un léger râle. Difficile d'en faire une interprétation : à ce stade était-ce de la fatigue ? un soulagement ? ou un simple intervalle d'ennui ?

Jon s'élança en arrière, sur le lit. À présent il avait une vue inédite sur la chambre et qui présentait encore moins d'intérêt que la précédente, celle qu'il avait eu en regardant la rue. Maintenant, il était plongé dans le blanc et les moulures art déco qui cerclaient la pièce. Au centre la lumière électrique diffusée par l'opaline du plafonnier laissait dans ses yeux de grosses tâches noires cramées quand il fermait les paupières. Enfant il se plaisait à jouer ainsi avec le soleil et le soir, au moment d'éteindre sa lampe de chevet il lui arrivait souvent de se griller les pupilles, de les presser ensuite pour en faire jaillir de psychédéliques couleurs une fois dans le noir. Désœuvré, il fit un effort contre nature pour étirer son bras et atteindre la télécommande. Chose peu prévisible la télévision s'alluma sur Arte et Jon pris en cours un documentaire peu convaincant sur une tribu d'Asie du Sud pratiquant le tatouage rituel.

(à suivre)

18 octobre 2010

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