16 décembre 2010

Со́фья Андре́евна Толста́я*



Aah ! Helen Mirren... quelle comédienne !
Grands personnages de l'histoire passée ou présente (c'est la Reine d'Angleterre s'il vous plait dans The Queen) ou rôles populaires et crasses (elle est la tenancière d'un lupanar dans Love Ranch), rien ne fait obstacle pour Helen Mirren qui se fond dans les rôles comme un caméléon change de couleur... la justesse de ton en plus !
La semaine passée je suis allée voir Tolstoï, le dernier automne (titre encore une fois bien mal traduit puisque l'original The Last Station a la vertu d'ancrer le film dans la réalité historique de la mort de Tolstoï : dans la gare d'Astapovo) dans lequel Helen Mirren incarne la Comtesse *Sophia Andreyevna Tolstaya, épouse de Léon Tolstoï.
Pas de chef d'oeuvre mais un film qui tire son épingle du jeu tant le sujet est casse gueule : faire le "biopic" de Tolstoï... le plus célèbre des écrivains... au monde rappelle le préambule !

Les acteurs et le scénario nous font revivre en fait les derniers mois d'un Tolstoï en son domaine d'Iasnaïa Poliana tout ouvert aux paparazzis qui photographient, notent, épient les moindres faits et gestes de l'Ogre et sa famille. C'est que Tolstoï est devenu le chantre d'une "nouvelle religion" faite d'ascèses... et de très grands dilemmes : la sainteté ou le sexe, le peuple ou la famille... la guerre ou la paix avec sa femme ? Le coeur du film est ici entre un Tolstoï qui entend léguer ses droits d'auteur au peuple... et Sophia qui s'accroche à son héritage avec furie.
Mari et femme sont émouvants de naturel. Le poids de leur jeu laisse d'ailleurs un peu à l'écart les autres rôles (le secrétaire (Valentin Bulgakov) et les fidèles disciples) qui ont nettement moins d'épaisseur. Toute la force dramatique dépend d'Helen Mirren qui donne au film un caractère haletant et le souffle de sa passion pour Tolstoï. Éternellement amoureuse, arrachée au Génie au nom de la doctrine, Sophia se transforme progressivement en martyre, sublime et pathétique. Noble et froide, la comtesse est en cependant la seule (avec Bulgakov qui
tardivement choisit l'Amour à l'idéologie) à ne pas renier les élans de son coeur, vieillit mais intact et brulant quant aux sentiments. Plus encore que les séquences naturalistes et les paysages à la Mikhail Nesterov (et surtout à la Isaak Levitan), c'est ELLE l'âme russe du film !


Isaak Levitan, La boulaie, 1889
Galerie Trétiakov, Moscou.

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